Hommage Pierre Molinier

Hommage Pierre Molinier

Accrochée à sa morale judéo-chrétienne comme une huître à son rocher, notre société accueille toujours difficilement les esthètes transgressifs ou les poètes décadents, ce qui explique pourquoi Pierre Molinier (1900-1976) a mis si longtemps à être reconnu comme le chantre du fétichisme, et non plus comme un obscur et indécent provocateur. D’abord peintre en bâtiment, il s’adonne aussi à l’art, mais s’éloigne assez rapidement de la peinture figurative ; il approche le surréalisme, avec notamment son mythique Le Grand Combat, où pointe déjà un érotisme débordant de corps entremêlés dans un labyrinthe charnel. Fervent admirateur au point de le surnommer «Maître du Vertige », André Breton exposera plusieurs de ses œuvres mais s’en éloignera, effrayé par une inspiration trop pornographique. Dans les années 60, Molinier trouve l’élan qui fera sa légende. Il se met en scène dans des photographies, travesti et épilé, testant crûment moult accessoires – lingerie noire, loups et godemichets. Molinier remet déjà en question les théories de genre en inventant la nouvelle Ève d’une ère nouvelle, alliant féminité et mise en avant de ses attributs virils. Il se plaît à utiliser des poupées, organisant des actes amoureux insensés, renvoyant à l’art désarticulé d’Hans Bellmer. La célèbre Emmanuelle Arsan lui servira également de modèle pour une série de photos mythiques.

Pierre Molinier ne serait rien sans ses extraordinaires photo montages dans lesquels explose son obsession des jambes, dans des effets de miroirs kaléidoscopiques où les visages fusionnent avec les cuisses, créant d’étranges astres érotiques, des créatures mutantes. Ancêtre des performers et du body art, il expose une sexualité paradoxale, joyeuse mais à deux pas de la mort. Parce qu’il est l’artiste des limites il est un créateur métaphysique, installant son énergie séminale au centre de son œuvre au point de se faire exploser la cervelle lorsqu’il la sentit s’enfuir. De la jouissance à l’orgasme ultime il referma le cercle. «Ça me fait terriblement chier de vivre et je me donne volontairement la mort et ça me fait bien rigoler ». Dans ses dernières lettres il « emmerde tous les connards qui (l’)ont fait chier dans toute (s)a putain de vie ».

Après avoir fait redécouvrir l’an dernier, à l’occasion de sa Carte Blanche, Chromo Sud d’Étienne O’Leary, dans lequel intervenait Molinier, Jean-Pierre Bouyxou revient présenter cet hommage dans lequel Molinier intervient à la fois comme artiste et comme acteur: sujet et objet comme il a toujours été. On appelle cela un événement.

Jambes

Jambes

Pierre Molinier
France
Molinier

Molinier

Raymond Borde
France
Pierre Molinier, 7 rue des faussets

Pierre Molinier, 7 rue des faussets

Noël Simsolo
France
Satan bouche un coin

Satan bouche un coin

Jean-Pierre Bouyxou, Raphaël Marongiu
France