Il y a vingt ans, le support argentique en 35mm était le seul procédé existant pour projeter un film en salle, et les films expérimentaux se fabriquaient encore souvent en grattant la pellicule. Au début des années 2000, dès la démocratisation des outils numériques, on s’est mis à gratter les bits et tordre le bras aux logiciels de SFX ou d’animation. Avec notre tribu de jeunes créateurs libres, déjantés et inspirés, nous nous sommes mis à pratiquer des greffons, mélanger les techniques, penser les images autrement, avec parfois des résultats aléatoires, beaux ou monstrueux, mais toujours dans l’idée d’aller vers du différent, du surprenant, de l’étrange. 

Fêter l’anniversaire d’une boîte de production, c’est forcément regarder en arrière et voir ce qu’on a pu accomplir, tenter, rater. Pendant ces deux décennies, l’Étrange Festival a toujours été une terre d’accueil naturelle pour nos expériences, contribuant à faire découvrir des artistes forts et visionnaires comme Nieto, Edouard Salier, Alberto Vazquez ou le regretté Rosto (à qui l’édition 2019 était dédiée). Et c’est un honneur que de pouvoir y souffler les bougies de notre vénérable âge.

Lorsque l’idée de cette séance anniversaire a germé, plutôt que de proposer un programme rétrospectif sous la forme d’un Best Of de courts métrages que beaucoup parmi les spectateurs assidus auraient probablement déjà vu (d’autant que la plupart des films, de Carlitopolis à Logorama en passant par Flesh, Decorado ou Journal Animé, sont désormais visibles en ligne), nous avons décidé de jouer le contre-pied. Avec un programme uniquement composé de films rares ou inédits, pilotes, extraits de projets en cours de production ou qui ne se feront jamais, bonus et autres surprises. Un programme davantage porté sur le partage, l’intime et la découverte, et en grande partie tourné vers l’avenir. Car vingt ans plus tard, la pellicule n’existe plus, le numérique est partout, mais cette étrange envie de gratter est toujours là. 

Nicolas Schmerkin