Le charme discret de la bourgeoisie

Le charme discret de la bourgeoisie

Luis Buñuel

  • 1972
  • France, Italie, Espagne
  • Comédie
  • 1h42mn
  • Français
  • Couleur
Quatre bourgeois viennent dîner chez un couple de la même caste, mais il y a eu un quiproquo sur la date. Ils décident d’aller manger tous ensemble dans un restaurant dont le propriétaire vient de décéder... Mais quand pourront-ils enfin commencer leur merveilleuse soirée ?
Cette désopilante satire constitue le premier volet de la trilogie De la bourgeoisie écrite avec Jean-Claude Carrière, qui se poursuivra avec deux autres perles: Le Fantôme de la liberté et Cet obscur objet du désir. La charge dévastatrice démolit avec délice la morgue des officiels et des aristocrates. L’absurdité surréaliste résonne avec celle du monde, pour un film constitué d’un enchevêtrement de commencements, à l’image de cette soirée qui fait du surplace. Fabuleux.

Kirill Serebrennikov

Il me semble injuste qu’aujourd'hui on commence à oublier Luis Buñuel. Je ne parle pas de cinéphiles qui connaissent bien l'histoire du cinéma du vingtième siècle, mais de la nouvelle génération de spectateurs.

Buñuel est le fondateur du mouvement surréaliste au cinéma, qui est passé d'œuvres politiques radicales, voire quelque peu extrémistes, à un cinéma tranchant, sarcastique et en même temps doux, plein d'amour et de tristesse, d'amertume et de désespoir. Bunuel est né et a grandi en Espagne. Et comme c'est souvent le cas chez les gens du Sud, même sa tristesse et son désespoir sont peints aux couleurs du carnaval.

L'une des premières expérimentations cinématographiques de Buñuel a été Le Chien andalou, le célèbre film muet surréaliste co-réalisé avec Salvador Dali. Dans ses mémoires, le réalisateur a écrit que lui et Dali se sont imposé pour seule interdiction celle de « toute idée ou image pouvant avoir une explication rationnelle » et que « il n'y a rien dans le film qui symboliserait quoi que ce soit. La seule méthode d'étude des symboles est peut-être la psychanalyse ».

Le Chien andalou est devenu un classique du cinéma et s'est désintégré, comme on dirait aujourd'hui, en des dizaines de mèmes cinématographiques. Chaque cinéphile se souvient du plan où l'œil de la femme est coupé. Choc. Mais peu de gens se souviennent de l'image suivante - une pleine lune brillant dans le ciel nocturne et des nuages traversant cette lune.

Tout le langage cinématographique novateur de Buñuel est fait de [ces] rimes poétiques, inattendues et acérées. Malgré toute sa cruauté, une certaine agressivité et son côté indomptable, il est devenu l'un des premiers poètes du grand cinéma.

Pour le programme de ma carte blanche j’ai choisi Le Charme discret de la bourgeoisie.

Ce film a été l'un des premiers que j'ai vus dans ma jeunesse et après l’avoir regardé j'ai tout de suite eu envie d'écrire un essai. À cette époque, je comprenais mal ce que signifiaient « bourgeoisie », « charme » et « discret ». Et comment ces trois mots coexisteraient dans un seul titre. Je ne connaissais rien du réalisateur Buñuel à ce moment-là, mais j’ai eu une envie insoutenable de réfléchir, de formuler, d'écrire sur ce film. Ainsi, mes premières pensées au sujet du cinéma sont apparues grâce à Luis Buñuel - à un réalisateur qui, en faisant des films, a expérimenté le langage cinématographique jusqu'à un âge très avancé et en même temps a porté un revolver dans sa poche dès sa jeunesse.

Luis Buñuel est un réalisateur avec un revolver en poche, et vous le ressentirez certainement en regardant le film Le Charme discret de la bourgeoisie.

Séances

10/09 • 14h30 • Salle 100

Billetterie

Crédits

  • Avec : Fernando Rey, Paul Frankeur, Delphine Seyrig, Bulle Ogier, Stéphane Audran
  • Scénario : Luis Buñuel, Jean-Claude Carrière
  • Photographie : Edmond Richard
  • Montage : Hélène Plemiannikov
  • Production : Serge Silberman