Yûzô Kawashima n'a jamais connu la notoriété d'un Mizoguchi, d'un Ozu ou d'un Kurosawa. Si son nom reste presque inconnu en Europe, il n'en demeure pas moins un jalon fondamental du cinéma japonais, précurseur de la nouvelle vague japonaise, franc-tireur et expérimentateur opérant la transition entre le classicisme engoncé des années 50 et la modernité des années 60.

Né en 1918 à Tanabu, fils de commerçants, sa passion pour le cinéma et la littérature le conduit à passer le concours d'entrée aux studios Ofuna de la Shôchiku. D’abord assistant de Minoru Shibuya et de Keisuke Kinoshita, il réalise son premier film en 1944, mais sa carrière fut d'abord un échec. En effet, s'il réalisa plus de cinquante films jusqu'en 1963, ses comédies furent jugées d’abord peu conformes à l’esprit des mélodrames de l'après-guerre, au point que la Shôchiku le rétrograda au rang d'assistant réalisateur pendant quelques années avant de l’autoriser à tourner quelques comédies commerciales anodines. En 1954, il démissionne et rejoint la Nikkatsu où il connaîtra ses plus grand succès… pour neuf ans seulement. Sa santé fragile et son alcoolisme le condamnent prématurément. Il meurt en 1963 à l’âge de 45 ans.

Reconnu pour son sens du burlesque et du grotesque, son premier gros succès, Chronique du soleil à la fin d’Edo est une comédie au ton picaresque très proche du futur Imamura, ayant pour cadre une maison close fréquentée par des clients de tous milieux sociaux, à la fin de l'ère Tokugawa. Derrière son apparente légèreté se cache une grande acuité, un pessimisme sans fard, qui transparaît plus encore dans ces trois splendides collaborations avec Ayako Wakao, comme trois fragments d'une réflexion autour de la manière dont une femme peut subir ou refuser son statut de dominée, trois visions abordant le sujet tabou de sa sexualité.

Imamura, qui fut de 1951 à 1957 son assistant, son scénariste puis son disciple, évoque cette noirceur implicite, l'admire et s'en dédouane, se réclamant plus de son art du grotesque que de son climat dépressif. Noctambule, éternel insatisfait, Kawashima filme la ville interlope et ses anti-héros, les gens de la nuit et les laissés-pour-compte. Son observation a beau être cruelle, elle reste dénuée de tout cynisme et n'opère aucun jugement : elle est avant tout pleine d'amour. Même la médiocrité et la vulgarité semblent chez Yûzô Kawashima provoquer l'empathie, car le cinéaste explore le tragique et la beauté de tous les perdants.

L'emploi de la musique expérimentale inscrit l'angoisse au sein de la légèreté : derrière les sourires frivoles sommeille le drame intime. Par son refus des règles, il en invente de nouvelles, notamment dans des décadrages abstraits et post-modernes qui épousent la perte de ses anti-héros, des premiers plans où le décor fait irruption dans le cadre – un objet, un morceau d'escalier, une poutre – et distrait le regard, témoignant ainsi de la profonde solitude de ces égarés.

Shitoyakana Kedamono

La bête élégante

(Shitoyakana Kedamono)
Yûzô Kawashima
Japon
Comédie, Drame

10-09-2021 22H15
15-09-2021 19H45
Gan No Tera

Le temple des oies sauvages

(Gan No Tera)
Yûzô Kawashima
Japon
Drame

12-09-2021 14H00
14-09-2021 19H15
Onna Wa Nido Umareru

Les femmes naissent deux fois

(Onna Wa Nido Umareru)
Yûzô Kawashima
Japon
Drame

09-09-2021 19H45
15-09-2021 17H45
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