Chaos Reign : 10 ans de Chaos

Avant d’être un lieu incontournable de la cinéphilie transversale, Chaos Reign était un blog. Son créateur Romain Le Vern y prolongeait Le coin du cinéphile, une rubrique qu’il tenait en 2005-2006 sur Dvdrama, sur laquelle il mettait en avant des films rares, des coups de foudre auxquels il cherchait à donner une visibilité. L’idée de Chaos était de continuer dans cet esprit de découverte, d’exhumer des trésors dans un ton libre et drôle où l’émotion et la passion seraient les vrais moteurs, loin de toute théorie, dans un vrai désir de transmission. Non pas s’aligner sur le nombrilisme journalistique ambiant, mais susciter l’envie, présenter la planète cinéma comme le lieu de l’échange et du dialogue. 

Lorsqu’il réalisa que les médias parlaient de moins en moins des films qu’il aimait, il sembla nécessaire à Romain Le Vern de leur accorder une place, une voix, loin du battage médiatique. La sidération face à la vision d’Antichrist de Lars Von Trier à Cannes arrivait à point nommé pour lui offrir un titre. Cette phrase «Chaos reigns» du sublime «renard qui parle» dépassait le cinéma, prenant en dix ans une ampleur monstrueuse capable à la fois de traduire le chaos du monde et un cinéma chaos tel que Romain l’envisageait, cinéma «autre», pur et rebelle, «en décalage dans sa manière de regarder le monde, de raconter une histoire ou de s’inscrire dans une époque, qui tente des choses que d’autres ne tentent pas et qui traduit aussi ce que l’on n’arrive pas forcément à exprimer»

Le blog prend de l’ampleur en quelques années, et devient un site de passeurs et de passionnés qui rassemblera des plumes venues d’horizons divers tels Jérémie Marchetti, Gérard Delorme, Gautier Roos, Geoffroy DeDenis, Morgan Bizet, mais également des artistes comme Bertrand Mandico ou Yann Gonzalez qui en deviendront des habitués.

Parmi les moments incontournables du site, citons des découvertes inoubliables de films (Distracted Blueberry de Barry Doupé, The Strangers de Na Hong-jin, Un jour dans la vie de Billy Lynn de Ang Lee, The Neon Demon de Nicolas Winding Refn, Under the Skin de Jonathan Glazer...), des naissances d’auteur (Bertrand Mandico, Ari Aster...) ou encore des vrais chocs venus d’ailleurs lorsque des séries pouvaient devenir des expériences métaphysiques avec The Third Day: Autumn ou Twin Peaks The Return.

À l’image de la création frondeuse de Lars Von Trier, la politique éditoriale n’est certainement pas de suivre les règles, à plus forte raison celles de l’actualité, mais de défendre ce qui plaît à la rédaction: ne jamais tomber dans la posture d’aimer à tout prix le film d’un cinéaste Chaos, faire foin de la pression de la politique des auteurs et du principe selon lequel un film qui remplirait toutes les cases y serait adulé obligatoirement. Ce ne sont pas les grilles d’interprétation et les carcans qui guident le site, mais la liberté du cœur.