Ramsay Brothers : Horror Made In India

Si dans vos rêves les plus fous, vous aviez imaginé la Hammer revisitée par Bollywood, les frères Ramsay ont réalisé vos fantasmes. Alors que la tradition de l’épouvante imprègne les contes indiens, on peut dire que les Ramsay ont inventé l’horreur à l’écran.

On imagine toujours les collaborations entre frères comme des duos, mais ça n’est absolument pas le cas des Ramsay, qui étaient sept: Kumar, Keshu, Tulsi, Kiran, Shyam, Gangu et Arjun appartiennent à une famille originaire du Sindh (province du Pakistan) à laquelle s’ajoutait leurs parents et leurs deux sœurs, Asha et Kamla. En 1947, au moment de la partition des Indes, le père, Fatehchand U Ramsay, fait émigrer les Ramsay au complet à Bombay. Tenant d’abord des magasins de matériel électronique, il s’associe à d’autres hommes d’affaires sindis pour se lancer dans le cinéma de 1954 à 1970, sans succès. Mais une séquence d’un des films reste en mémoire d’un public qui la cite régulièrement, dans lequel l’acteur porte un masque monstrueux. Elle donne une idée de génie aux sept frères qui, en 1972, au bord de la faillite, tournent Do Gaz Zameen Ke Neeche (1972), inspiré par une histoire d’adultère et de mort-vivant racontée par Asha à son père. Ils emmènent dans un autobus une petite équipe d’acteurs et de techniciens, empruntent des caméras, louent une maison d’hôte. En quarante jours et 3,5 lakhs – à l’heure où les films indiens se tournent en un an pour 50 lakhs – le tour est joué.

Le succès retentissant de ce coup d’essai les incite à poursuivre dans la même voie. Avec plus de trente films entre 1975 et 2014 (avec parfois dans les années 80 deux films par an), les frères assoient ainsi une telle popularité que le cinéma fantastique indien devient identifié à leur nom. Y défileront vampires, fantômes, goules, loups garous et autres créatures inspirées par l’horreur occidentale, dans des films peuplés de séquences musicales et autres grands moments bollywoodiens. Veerana (1988), Purana Mandir (1984), Bandh Darwaza (1990) Purani Haveli (1989), Tahkhana (1986) ou The zee horror show (1993) en demeurent les meilleurs avatars tout en gardant la saveur des contes traditionnels. Beaucoup de cinéastes contemporains du genre s’en proclament les héritiers.

Mais, au-delà d’un système du divertissement réinventé, la famille Ramsay vivait à répétition des événements mystérieux et même s’ils restaient sceptiques, les histoires qu’ils racontaient dans leurs films s’inspiraient régulièrement de leurs étranges rencontres: autostoppeuse fantôme aux ongles tordus et à la voix spectrale, gémissements et bruits inexplicables dans un palais désert, cadavre récalcitrant lors d’un tournage dans un cimetière... C’est aussi cette candeur sublime qui ressort dans un pur cinéma d’artisan populaire, qu’on ne peut réduire à son kitsch, à l’image des maquillages en latex, dont l’aspect qui frôle le ridicule participe en réalité à sa teneur poétique.