Dans ce poème désespéré, constitué de bribes d’archives collées à des fragments de fiction et de visions fantastiques enchevêtrées entre sépia, noir et blanc et couleurs de vieilles photos, où une narration sarcastique vient pousser un cri, Derek Jarman livre une proposition de cinéma expérimental unique, comme un journal intime dédié à une Angleterre que ses dirigeants ont laissée en ruine et que le gouvernement Thatcher continue de souiller. The Last of England est une œuvre magistrale de l’apocalypse au présent (on pense même au terrible Threads de Mick Jackson, 1984), d’une colère inouïe, que la musique de Simon Fisher Turner conduit vers l’hypnose, dont la beauté laisse un goût de cendres… et qui parle aussi d’un fascisme en marche qui ne nous est pas étranger.
Alexis Langlois
Je n'ai vu qu'une seule fois The last of England, il y a une dizaine d'années à la cinémathèque, mais ce film m'accompagne d'une étrange façon depuis.
Je me souviens du film comme un rêve en Super8, comme un essai politique, un rituel cinématographique où des images de punks se mélangent à des musiques baroques, où des drapeaux brûlent, où des danseureuses performent au milieu de révoltes et où Jarman se montre au travail. Je me souviens aussi de beaucoup de flammes, de ruines qui prennent feu comme pour mettre fin à un monde dont on ne veut plus. Je me souviens aussi du visage de sa fidèle amie Tilda Swinton sur la voix de Diamanda Galás. Chez Jarman le lyrisme est politique. C'est pour ça qu'il est si important pour moi.
Hâte de le revoir en salle avec les spectateurices de L'Étrange !
Alexis Langlois