Focus Mike de Leon

Miguel Pamintuan De Leon à Manille en 1947, Mike De Leon obtient une maîtrise en Histoire de l’Art à l’Université d’Heidelberg en Allemagne avant de réaliser deux courts métrages, Sa Bisperas (1972) et Monologo (1975), mix entre Blow up et le film de fantômes, qui témoigne déjà de tout l’intérêt de De Leon à la fois pour l’étrange et pour le cinéma européen.

En 1975, il crée Cinema Artists Philippines et produit Manille, l’un des chefs-d’œuvre de Lino Brocka, dont il dirige également la photo et pour lequel il sera primé. Son coup d’essai Les Rites de mai (Itim, 1976) est un coup de maître, un drame psychologique à la fois tendu et éthéré où les destinées étouffées par les traumas du passé avancent jusqu’aux frontières de l’épouvante. Les Rites de mai sera consacré par les Philippine's Urian Awards comme l'un des dix meilleurs films de la décennie et obtiendra en 1978 le prix du meilleur réalisateur au Festival du film asiatique de Sydney. En 1977, avec Kung Mangarap Ka't Magising, histoire d’amour magnifique et tourmentée, il rend hommage à sa grand-mère Doña Sisang, fondatrice de la société cinématographique familiale, LVN Pictures – l’un des plus grands studios philippins, comparé parfois à la MGM – dont il célébrait alors les cent ans.

Si l’amertume et la noirceur sont la griffe de De Leon, il n’en demeure pas moins en quête permanente de renouvellement. Ainsi, sa comédie satirique démente Kakabakaba Ka Ba? entremêlant joyeusement tous les genres, résonne comme une double révolution : dans son inspiration et au sein de la production philippine. Le cinéma implacable de Mike De Leon est envahi d’images qui impriment durablement la rétine en s’approchant dangereusement des ténèbres : ses mises en scène graphiques ne masquent jamais de vraies inquiétudes sociales et politiques. Cependant, elles passent moins par un réalisme frontal que par une exploration fantasmatique où fourmillent les symboles à décrypter, où les paysages de l’errance et du rêve permettent d’échapper au strict cadre du réel brut et de la tentation documentaire. C’est peut-être là que réside sa principale différence avec l’immense Lino Brocka, dans sa propension à évoquer des thèmes aussi dérangeants que l’inceste, l’exploitation des travailleurs, les confréries fascisantes, l’oppression religieuse, mais redessinés par l’allégorie, la stylisation de la fiction et l’esthétique de l’ombre.

Renommé aux Philippines, Mike De Leon est encore trop peu connu en Occident. À l’occasion de la restauration récente de ses films, nous sommes fiers de contribuer à cette redécouverte avec quatre d’entre eux parmi les plus singuliers et passionnants.