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L’espagnol Alex De La Iglesia représente idéalement cette capacité de synthèse, lui qui mêlait sans effort l’horreur, la satire sociale et le comic-book punk dès son premier film Accion Mutante. Au cœur d’une carrière extraordinairement diversifiée, son Perdita Durango est un sommet de syncrétisme culturel. Jamais sortie en salle en France, cette adaptation du roman de Barry Gifford fonctionne comme une « sidequel » de son Sailor et Lula et revient sur l’origine du personnage secondaire précédemment incarné par Isabella Rosselini dans le film de David Lynch.
Pour sa première production internationale tournée en langue anglaise, De La Iglesia ne va même pas chercher à se frotter à ce prestigieux aîné. Loin des postures statiques de Rossellini, sa Perdita à lui est incarnée –on pourrait même dire possédée- par le jeu physique de la danseuse et chorégraphe Rosie Perez, secondée par le jeu (déjà) azimuté de Javier Bardem, au cœur d’un road movie électrique qui mêle allègrement la magie noire, le sexe, le trafic de fœtus, le « thriller de frontière » (qui permet d’apprécier un James Gandolfini en flic pré-Soprano), les borborygmes diaboliques du bluesman Screamin Jay Hawkins et le western Vera Cruz. Un « beau bordel » en apparence, rendu cohérent par le goût du réalisateur pour l’esperpento, ce mouvement littéraire qui considère les pays latins comme des caricatures extrêmes de l’Occident. Et cette caricature n’oublie jamais d’être formellement élégante, voire même émouvante, quand bien même cette émotion déglinguée n’appartient qu’à son auteur, lui qui aime se comparer à « un clown dans une machine à laver » : drôle, énergique et sans cesse renouvelé.