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Cartes blanches

  Carte blanche Caro et Jeunet

Carte blanche Caro et Jeunet

Nés respectivement en 1953 et 1956, Jean-Pierre Jeunet et Marc Caro se rencontrent au Festival du Film d’animation d’Annecy en 1974. Le premier a appris très tôt à manier et triturer une caméra, et le second fait ses armes en dessinant pour Métal Hurlant ou Fluide Glacial, ou comme membre du groupe de rock indus Parazite. Ensemble, ils se découvrent une passion pour l’animation, la science-fiction et l’imagerie forte, et commencent à collaborer joyeusement. Après des courts-métrages comme L’Évasion, Le Manège, avec des personnages sculptés par Marc Caro, puis Pas de Repos pour Billy Brakko d’après une BD du même Caro, ils signent ensemble en 1981 Le Bunker de la dernière rafale, gorgé de culture steampunk sur fond de conflit atomique.

Le succès est immédiat, et le film est projeté à Paris pendant de longues années en première partie du Eraserhead de David Lynch. Après une série de clips (Zoolook de Jean-Michel Jarre) et de programmes divers, ils passent enfin au long-métrage en 1991. Delicatessen, ou le cinéma de Marcel Carné revu par Chuck Jones, vient gentiment secouer un cinéma français trop pantouflard. Le succès est immédiat et les prix tombent tandis que les deux compères travaillent déjà à La Cité des enfants perdus, qui cite là encore Prévert et les univers oniriques et merveilleux de nos enfances à la Cocteau. S’ils collaborent encore sur le quatrième opus de la saga Alien de manière officieuse, Caro et Jeunet partent chacun vers des projets différents, mais tous habités du même soin formel et de la même poésie de l’imaginaire. À l’occasion de leurs retrouvailles officielles pour une formidable exposition à La Halle Saint-Pierre à Paris, l’instant parfait pour leur offrir cette carte blanche à quatre mains.

  Carte blanche Jaume Balagueró

Carte blanche Jaume Balagueró

Après Alicia (1994) et Dias sin luz (1995), ses deux premiers courts-métrages, Jaume Balagueró se fait instantanément repérer avec une adaptation de Ramsey Campbell, le multi-récompensé La Secte sans nom. Immédiatement, il devient une valeur à suivre du cinéma de genre ibérique. Après le documentaire OT: la película coréalisé avec Paco Plaza, il confirme l’essai avec Darkness, jeu vénéneux d’ombre et de lumière qui l’impose comme l’un des porte-étendard du renouveau du cinéma fantastique espagnol aux côtés de Nacho Cerdà, Juan Antonio Bayona, Nacho Vigalondo et quelques autres. En 2005, il réalise Fragile en faisant appel à l’actrice américaine Calista Flockhart, bien loin de son rôle d’ingénue dans Ally Mc Beal, et qui devient instantanément un chef d’œuvre du film de maison hantée. Après un épisode d’une anthologie réunissant la crème du cinéma fantastique espagnole (Películas para no dormir), Balagueró retrouve en 2007 son comparse Paco Plaza pour [•REC], l’un de ses films les plus emblématiques, à l’efficacité et au découpage remarquables, qui ouvre la voie au found footage. Deux ans après, il remet le couvert pour une suite, puis laisse le soin à son co-cinéaste de prendre le relais pour le troisième opus, pendant qu’il s’autorise Malveillance, thriller redoutable sous influence de Polanski et Hitchcock. Après la conclusion en 2014 de sa tétralogie avec ●REC Apocalypse, il prépare son retour prochain avec Muse, polar fantastique très attendu. Un auteur précieux qui nous fait l’honneur d’une anthologie forcément sulfureuse.

  20 ans de Mauvais Genres

20 ans de Mauvais Genres

Voilà 20 ans que François Angelier et ses invités viennent bousculer les ondes radiophoniques en traitant fièrement de ce qu’on entend parfois qualifié, par une intelligentsia qui se pince le nez, de sous-culture. Après un premier passage en 1981 à la Maison de la radio où il parle de Cthulhu et de l’univers lovecraftien sur les antennes de France Culture, François Angelier y intervient plus ou moins régulièrement comme reporter, comme en 1988, pour l’émission Culture matin. Quelques années plus tard, il est à la tête de l’émission estivale Bande à part, où il décortique pour nous la littérature mal aimée, qu’elle soit policière, fantastique, érotique ou dessinée. Au bout de trois ans, la programmation cesse avant de revenir en 1997 sous une autre formule et de manière hebdomadaire cette fois : Mauvais genres est né. S’y côtoient tous les samedis dans un joyeux capharnaüm romans noirs et comics, classiques de la BD et les raretés du cinéma transalpin, incunables du petit écran et pépites du septième art nippon, fist fucking et Terence Fisher, le tout partagé par des exégètes passionnés tels Jean-Pierre Dionnet, Christophe Bier, Jean-Baptiste Thoret, Jacques Baudou, Philippe Rouyer, Fausto Fasulo et tant d’autres. La crème des porte-étendards de la culture qu’on aime, qui n’a de cesse d’aller dénicher pour nous les œuvres les plus alternatives, douteuses, déviantes afin de tracer une délicieuse cartographie contre-culturelle. C’est avec un plaisir immense que nous accueillons ces sacrés agitateurs radiophoniques le temps de trois programmations anthologiques.

MAUVAIS GENRES: «  J’ai toujours trouvé étrange (et là doublement) cette expression de « carte blanche », « donner carte blanche », comme une singulière « invitation à la tache », poussée joyeuse à souiller, à maculer. Trop de blanc aveugle, l’altitude époumone, la pureté rend fou et « signer un chèque en blanc » est toujours une incitation à la ruine. Les blancs de la carte, la chose est sue, avalent et digèrent ceux qui s’y rendent. Tacher apaise. Et quand Frédéric Temps, vieux complice en déviance, m’a offert, pour nos vingt ans de Mauvais Genres , une carte blanche, le réflexe fut immédiat : laissons sur l’écran une « énorme cochonnerie lie-de-vin ». Faisons tache, le rêve de toutes les cartographes. Mais avec quoi ? L’écran des maniaques de l’Étrange est déjà bondé, encroûté de pâtés inouïs, de zébrures malsaines, foré de trous insanes, cinglé de dérapages fatals. On fait quoi chef ? Laisse-toi porter, effendi, écoute ton cœur ! On a donc fait selon, toquer à la porte, montrer patte bien noire. Halte à l’embobinage ! Voici donc trois embardées visuelles, choisies par l’équipage de Mauvais Genres , entre lanternes tragiques et dissolvant social, vrais faux-semblant et carnaval orphique. Venez armé, l’endroit est désert ! »

  20 ans de Mauvais Genres: lanternes tragiques

20 ans de Mauvais Genres: lanternes tragiques

Jeudi 12 septembre 2017 à 19h15, Forum des Images, salle 300.

Cinéma artisanal, en noir et blanc, magique-oraculaire et mystiquement subversif...

Anthologie de mauvais genres, qui joue avec les images et leurs sens en les modelant (Les Documents interdits ), les détournant (Le Dispositif ) ou les recréant (Boro in the box ). La preuve par trois de la vitalité d’un certain cinéma hexagonal hors des sentiers battus.

MAUVAIS GENRE: « Des cinéastes, ces quatre-là, Jean-Teddy Philippe, Pacôme Thiellement et Thomas Bertay, Bertand Mandico ? Sans doute pas. Plutôt des porteurs lanterne et des montreurs d’ombres, des modeleurs de spectres et des dompteurs de chimères. Quatre cavaliers de l’apocalypse visuelle.

Le premier, maître secret du Found footage, aux Documents interdits faits de bobines égarées et de métrages perdus (confession de naufragés, films de vacances en enfer, repérages de spectres, kolkhoze des surhommes), expose, nous plongeant dans l’angoisse, l’art de faire vrai, montre que l’impossible vérité n’est peut-être qu’une pure affaire de rhétorique, la véracité un art du dosage. Est vrai ce qui en a l’air. Point. Mais voit-on ce que l’on croit voir ?

Les seconds, concepteurs du Dispositif, un parcours initiatique fait de 52 épiphanies, ou « intensités », visuelles nous offre l’équivalent filmique de la Sweat house indienne, la yourte aux esprits : s’assainir l’âme par un exercice de sudation mentale, de dégraissage intellectuelle qui nous fait renouer avec la puissance des grands initiés (d’ Ezra Pound à Zappa) et communier aux vibrations de la Grande note. Entre déconstruction et incantation. Tous les dispositifs ne sont pas policiers, certains sont même là pour déjouer la Surveillance. Donc acte.

Bertand Mandico est un cracheur de feu sacré, un avaleur de sabre d’abordage, un distillateur d’extase. Autre Méliès, son petit cirque orphique randonne d’un lieu l’autre, projette sur un drap de noce taché de sève des visions de folie comme arrachées à l’agonie d’un alchimiste, à l’euphorie d’un prince baroque. Son hommage à Walerian Borowczyk, Boro in the box, l ‘homme à la tête de boîte, moins tourné en noir et blanc que composé en nuit et chaux, est un mystère à jouer à la porte des asiles, un reliquaire où s’amalgament grains d’opium et cendres de sorciers. Les quatre composent un retable poétique, polyptique en acte pour un cinéma poétique. »

En présence des réalisateurs.

Séance présentée par l'équipe de Mauvais Genres.